lundi 20 juin 2016

Pour réviser Alcools (2)

Suite de nos révisions pour les questions d'ensemble.

L'Automne
Francis Picabia, Le Canal de Morret.


"Mon Automne éternelle ô ma saison mentale"

 Ce vers de "Signe" dit à la fois le goût d'Apollinaire pour cette saison et le lien qu'il fait avec son intériorité. Ainsi, il renouvelle le traitement de cette saison qui est probablement la plus traitée dans la poésie française, des romantiques jusqu'à Baudelaire en passant par Jules Laforgue qui évoque "le brave, brave automne" en l'associant au spleen huile ronge.
Plusieurs poèmes évoquent dès leur titre cette saison : "Automne", "Automne malade", "Vendémiaire", "Rhénane d'automne", ou de manière plus indirecte "Les Colchiques".
La description de l'automne passe par des éléments classiques renouvelés par une musicalité importante dans "Les Colchiques" et "Automne" notamment.
Nous trouvons par exemple des végétaux tels que la bruyère ("L'Adieu"), les colchiques, les châtaignes et les feuilles mortes ("Rhénane d'automne") ou la vigne dans "Vendémiaire".
Les couleurs associées à la saison sont volontiers morbides : le gris et le violet, le blanc semblent délavés.
Vent, pluie et brouillard caractérisent également l'automne poétique d'Apollinaire.
Animaux de la forêt et des champs peuplent ces poèmes.
Enfin, le motif des pleurs accompagne "L'émigrant de Landor road", "Automne malade" et "Rhénane d'automne". Quand le pleurs sont absents, ce sont les chants qui se font entendre, chants mélancoliques le plus souvent, comme dans "Colchiques" ou "Automne".
Par contraste, "Vendémiaire" qui clôt le recueil évoque non pas la fin de la saison mais la gloire de septembre, l'ivresse de la vigne, renouant avec une tradition bachique qui éclaire le titre du recueil.

Apollinaire renouvelle le thème de l'automne en substituant par exemple aux feuilles mortes "les mains coupées" dans "Rhénane d'automne" : "L'automne est plein de mains coupées / Non non ce sont des feuilles mortes" ou encore dans "Signe" : "Mon automne éternelle ô ma saison mentale / Les mains des amantes d'antan jonchent ton sol". Dans ces deux exemples, nous voyons que la voix de la raison s'impose dans le second de "Rhénane d'automne", alors que cette voix se tait dans "Signe" et que l'image des mains jonchant le sol est affirmée.
Enfin, l'automne est marqué par la mort : "Oh ! l''automne, l'automne a fait mourir l'été" dans "Automne" et dans "Automne malade" : "Automne malade et adoré / Tu mourras quand l'ouragan soufflera dans les roseraies". L'automne est à la fois source de mort (de l'été) et saison soumise elle-même à la mort. C'est comme s'il y avait un transfert de la nostalgie du poète sur sa saison mentale : "et que j'aime ô saison que j'aime tes rumeurs". C'est pourquoi il écrit dans le premier vers de "Signe" : "Je suis soumis au chef du signe de l'Automne", comme si la saison devenait une divinité

Léo Ferré chante "L'Adieu"

La quête de soi
Voyageant d'une ville à l'autre, Alcools est cependant avant tout le voyage intérieur du poète. Apollinaire ne nous propose pas une analyse méthodique mais une errance pareille à celle de l'ivresse.
Tout au long du recueil, le poète décrit avec facilité les autres, mais il a beaucoup plus de mal à parler de lui comme il le dit dans "Cortège". 
C'est d'abord la quête des origines que nous lisons dans "la Porte" : "Qu'est-ce que cela peut me faire ô ma maman / d'être cet employé pour qui seul rien n'existe " et plus loin "Humble comme je suis qui ne suis rien qui vaille / Enfant je t'ai donné ce que j'avais travaille" où le mot maman renvoie à l'enfance du poète, cette période où seule sa mère comptait pour lui. Le dernier vers, qui se détache, loin de rassurer le poète sur sa valeur, donne la parole à la mère avec cette injonction"travaille".

La figure maternelle apparaît dans d'autres poèmes comme "Le Larron".  L'impression qui ressort est celle d'un mal-aimé dès l'enfance, qui explique le manque d'estime de soi.

Pour entreprendre cette quête de soi, Apollinaire procède à un dédoublement de personnalité, comme dans "Cortège" lorsqu'il écrit : "Un jour je m'attendais moi-même" ou encore "Je me disais Guillaume il est temps que tu viennes" avec l'écho dans "À la santé" : "Guillaume qu'es-tu devenu".
Parfois ce dédoublement se lit dans l'alternance des pronoms personnels : ainsi le je, le il mais aussi le tu peuvent désigner le poète, comme c'est le cas dans "Zone" : "A la fin tu es las".

Enfin, la quête de soi se lit dans le recours à la mémoire à l'oeuvre dans tout le recueil. La part autobiographique est importante, nous l'avons vu. Par la poésie, Apollinaire cherche à se recomposer.

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